Sophie Delhasse

Rose Zéro, Communiqué de presse pour Art au Centre, Liège, 2020

La pratique artistique de Marcel Devillers se vit en rythme et en cadence. L’artiste oscille entre peinture, matières et installations qu’il accompagne de lectures et performances. Un rythme, celui de l’oeil d’abord.
Un oeil qui s’hypnotise dans la lecture de ses poésies murales, ici installées à même les vitrines. Le geste du peintre contamine réciproquement celui de l’auteur. Un déplacement, celui de la rétine qui poursuit dans un long travelling la ligne fermée du poème, une circonvolution qui rappelle les rouages d’une machine ou d’une courroie de transmission.
Une translation s’opère, la lecture se veut picturale, le pouvoir du langage s’épanouit dans un flux de sensations, de formes et d’images.
Le regard se déplace et s’arrête sur un tableau-objet posé au sol. Encerclé de lumière, il se substitue tour à tour à un point, un foyer, un axe ou une exclamation. Ces podiums rappellent l’univers de la scène ou du cinéma et de leurs loges, d’une potentialité passée ou en devenir. Activés par l’artiste lors de lectures performatives, ces espaces clos deviennent le support d’une voix qui s’incarne dans le rythme charnel de la déclamation. Le corps donne le tempo, celui sous-entendu du comédien ou du chorégraphe qui habite ces petits ilots scéniques. Le titre de la proposition renvoie à une autre notion de dissémination répétitive, « Rose Zéro » ayant déjà été utilisé par l’artiste dans ses écrits. Un aspect sériel de la production qui permet à l’oeuvre de Marcel Devillers de se déployer tel une constellation de réflexions sur l’art et sur la perception. Il convoque autant une remise en question du travail plastique et de sa matérialité que de l’écriture et de son oralité, jouant de la porosité des esthétiques, des matériaux et des pratiques. En découle une pulsation sourde nourrie par l’excitation du monde scintillant de la scène comme par le silence nostalgique des corps et de leur incarnation ainsi qu’une déconstruction nomade de la stabilité de notre espace visuel.